[/color]Tap tap tap tap tap tap tap, faisaient les pas sur le trottoir trempé. Flic flic plitch flic plitch, faisaient les gouttes d'eau sur l'imperméable du Kitsune. Aujourd'hui était un de ces jours où on a pas envie de quitter son chez soit et où sortir semble une corvée, ou plutôt une peine de mort. La pluie tombait averse depuis déjà une heure, les flash lumineux des éclairs se profilaient au loin, par dessus les montagnes. Le ciel était gris, recouvert d'une mer de gros nuages inquiétants. L'orage, comme l'avait annoncé la météo ce matin. Manque de chance, aujourd'hui Vuntes devait ramener une paire de livre empruntés à la bibliothèque, et il savait que le personnel actuel de l'établissement n'acceptait pas les retards, et ce ne serait pas le mauvais temps qui entrerait dans leur catégorie « de cas exceptionnels ». Ainsi, le jeune Kitsune dût s'habiller pour affronter le temps, prendre ses livres dans un sac plastique pour les protéger de la pluie et traverser la moitié de la grande ville pour atteindre le bâtiment public.

La vue de la bibliothèque redonna du courage au renard qui traversa la route, les bottes englouties jusqu'au-dessus du pied. Le parc qu'il traversa était boueux et glissant. Ah génial ! À présent il allait devoir nettoyer ses chaussures une fois rentrer ... Il haïssait la pluie dans ces moments là ! Un peu ça va mais trop c'est trop de soucis ... Enfin, les portes étaient à sa portée. Plus qu'un tout petit peu ... dix mètres ... cinq mètres ... deux mètres ...

Lorsque les portes de verre se refermèrent derrière-lui, le renard se trouva baigné dans un silence qu'il appréciait tout particulièrement. Seuls quelques petits bruits parvenaient à ses oreilles, tels que l'employé chargé de nettoyer le sol, les pages tournées, les pas dans les couloirs et le fond de pluie qui devenait soudainement moins agressif et bien plus mélodique. Le mâle prit quelques minutes pour faire sécher sa queue près d'un radiateur avant de se rendre à la caisse du bibliothécaire. Lorsqu'il l'aperçut, ce dernier eût un petit sourire.

- Tiens, voilà notre petit écureuil national on dirait !

Vuntes serra des dents et posa ses livres sur le comptoir après les avoir sortis de leur sac plastique. Il n'appréciait pas le fait que cet inconnu se permette des commentaires sur sa queue ... déjà qu'il la vivait avec un peu de peine !

- Grmbl ...

- Oh ça va hein ! Un peu d'humour ne te ferait pas de mal tu sais ! Quels susceptibilité chez ces bestioles ...

L'homme avait dit ces derniers mots à voix basse, mais manque de chance pour lui Vuntes les avaient entendues. Il en serra un peu plus les dents et se contenta de partir en direction des rayons pour aller fouiller quelques livres. Ses lectures arrivaient à zéro chez lui et il aurait aimé en obtenir d'autres.

L'eau tombait en trombe. L'orage grondait, laissant des traces jaunes dans le ciel. Les nuages noirs couvraient le ciel et la pluie s'abattait sans jamais vouloir s'arrêter. Une scène digne de la fin du monde... Non, je plaisante. Je courais sous ce sale temps de chien. Le sol boueux glissait, et je manquas plus d'une fois de finir face contre terre. La bibliothèque était ma destination. J'aimais bien le calme et la tranquillité de ce lieu de savoir. Et puis, autant lire plein de livres, pour pouvoir écrire à mon tour. Je haïssais l'orage. Ses affreux grondements résonnaient dans tous mon corps, me faisant frisonner. Mes cheveux, mes oreilles ainsi que ma queue de renard étaient trempées. L'averse s'était directement abattue, comme ça, sans prévenir. J'aurais dû jeter un œil à la météo, ma foi.

La bibliothèque était à présent en vue. J'accélérais le rythme, pour atteindre le lieu pour être le moins trempée possible. Je poussais les portes dans une violence inouïe qui les fit claquer en même temps qu'un coup de tonnerre bruyant. Digne de la fin du monde, je vous l'ai déjà dit. Les gens me fixaient l'air mécontent, mais je m'en fichais. Moi, je ne les regardais même pas, d'abord. Je les hais tous, ces Humains. Je m'essuyais brièvement les pieds et alla m'asseoir à une table. J'entendis la porte claquer de nouveau, et je reconnus les pas qui s'approchaient à une vitesse folle de moi.

Kyû vint s'asseoir à mes côtés, et je caressais doucement sa tête tandis que ses neuf longues queues rousses flottaient, comme si le vent était présent. Les grands yeux verts du Kyûbi semblaient exprimer du bonheur à ce trouver dans ce lieu. Après tout, c'est notre petit nid à tous les deux.

Quelqu'un entra en trombe peu après que je me sois installée. Mon dieu, si ça commence à déborder de monde, je m'en sortirais jamais. Je me tournais -car oui, j'étais près de la porte- pour voir qui était l'Humain qui arrivait. Il grommelait déjà, super!
En regardant de plus près, il avait une énoooorme queue de renard derrière lui. Un Kitsune... Je me retournais, indifférente. Au pire, personne ne troublerait cette solitude qui est la mienne...

L'énervement du renard dût doter ses chaussures de petites ailettes car il s'éloigna fort rapidement du bibliothécaire, faisant d'étonnament grandes enjambées pour sa petite taille. Les yeux fixés droit devant lui, il passa à côté de la jeune femme près de la porte sans s'arrêter. Puis il se stoppa soudainement trois mètres plus loin et tourna lentement la tête. Avait-il vu ... mais oui ! Il y avait une jeune Kitsune dans la  bibliothèque. Les lèvres de Vuntes s'étirèrent en un sourire un peu niais. Il y avait si peu d'hybrides vulpins à Mountain City ... le jeune homme en avait toujours été attristé. Et la simple vue d'une congénère lui faisait un effet étrange. Il était ... joyeux. Le bibliothécaire semblait insignifiant, la pluie devenait anodine. Toutes ces petites choses qui l'avaient tant agacé tout à l'heure ne représentaient plus rien à présent. Les joues de Vuntes se teintèrent légèrement de rouge et le petit renard se retourna pour aller se cacher dans un rayon, craignant de se faire repérer, d'attirer trop l'attention de la femme renarde et de donner de fausses idées à quiconque l'aurait remarqué.

Romans sentiments ... romans policiers ... romans fantastiques ... encyclopédies ... livres d'anatomie ... psychologie ... sociologie ... le petit hybride déambulait depuis dix minutes dans les différents rayons, survolant du regard les catégories et les titres des livres. Chaque fois qu'il sortait d'un rayon, en vue de l'entrée, il jetait un regard à la Kitsune, quelques secondes seulement, puis repartait dans ses rayons. Après plusieurs passages, il avait remarqué la présence de l'étrange petit animal qui semblait l'accompagner. Il n'en avait jamais vu des comme ça, c'était étonnant ! Soudainement, l'hybride se secoua. Allons, arrête de faire ton espion peu discret et va la voir ! Mais avant tout, il fallait choisir un livre. Vuntes passa encore deux minutes à choisir son ouvrage. Il opta finalement pour un livre sur le Moyen-Âge et ses croyances.

L'hybride s'avança jusqu'à la table où était assise la Kitsune, lâcha un <> par automatisme, tira une chaise et s'installa juste en face d'elle. Il déglutit, pas du tout à l'aise, se sentant comme observé et mis à jour. Il ouvrit son livre et commença à lire.

Spoiler:

Je me retournai après avoir vu le Kitsune rentrer. Je pris un livre, sur une étagère à côté. Un livre sur les Hybrides... Je le lisais avec concentration quand je remarquai que le Kitsune m'observait. Je poussai un soupir d'agacement et continuai ma lecture. Kyû monta sur mes genoux, me faisant sourire brièvement. Ce genre de chose était plutôt rare, en effet, je n'ai pas l'habitude de sourire à tout va... Le renard à neuf queues se blottit contre mes vêtements chauds, les mouillant un peu.

Le jeune homme-renard avait disparu quand je levai les yeux, à mon grand bonheur. En effet, je n'aimais pas spécialement être observée, et encore moins me trouver en compagnie de quelqu'un d'autre -excepté Kyû-.

Je n'avais pas vraiment vu le Kitsune qui m'avait observé, à vrai dire, je m'en moquais. Je l'ignorais complètement, captivée par mon livre, sans me rendre compte qu'il me jetais de brefs coups d’œils de temps à autre. Kyû bailla, faisant râler quelques personnes dans les rayons voisins.

- On ne peut jamais lire tranquillement, ici! se plaignit une femme, qui était accompagnée de sa fillette.

Je les ignorais. Kyû a bien le droit de bailler, a vrai dire, je ne m'attendais pas a ce qu'il mette sa patte devant sa bouche, non plus. Et en plus... Non, rien, ce sont juste de stupides Humains, c'est tout. Je remarquai enfin que le Kitsune me jetait des regards timides. Je baissai les yeux, mécontente. Il vint enfin s'asseoir à mes côtés...

- Mais enfin, à quoi tu joues au juste!? demandais-je, brisant le silence.

Ma voix était emplie de mon mécontentement. Ce Kitsune venait là, comme ça? Non, hors de question! J'ai déjà dit que personne ne viendrais à bout de ma solitude. Je n'aimais pas trop la compagnie des gens. Et en plus, pouvais-je lui faire confiance?

Le renard eût à peine le temps de commencer le premier paragraphe de son ouvrage que la voix de sa voisine de table le fit sursauter. Il en lâcha son livre qui s'étala sur la table avec un bruit fort, ses oreilles se plaquèrent derrière sa tête, sa queue se plaqua contre ses jambes et ses yeux s'exhorbitèrent tandis que son coeur accélérait d'un seul coup sous la surprise. On entendit quelques <> , <> et <> qui mirent le Kitsune encore plus mal. Commençant à croire que tout le monde l'observait, et se sentant affreusement bête, il se pinça les lèvres, baissant la tête. Il jeta un regard désolé à la jeune femme qui l'avait fait sursauter, reprenant son livre.

- J...Je ne voulais pas te déranger, pardon ...

Gêné, honteux et attristé, Vuntes ne pouvait s'exprimer mieux ou parler plus. Il se leva lentement et se dirigea en marchant, la queue presque entre les jambes, jusqu'à l'autre bout de la table où il s'installa. Il leva son gros livre et le plaça de manière à être majoritairement caché, seul le coin de ses yeux pouvaient être aperçus en biais. Ses oreilles restaient collées à son crâne et ses mains tenaient le livre proche de son visage, comme s'il avait peur que le bouquin ne file hors de portée. Il n'avait fait que s'installer et ça avait suffit à ce que la jeune renarde éprouve de l'hostilité envers lui. Pourquoi ? Pourquoi ... Un petit <> se fit entendre. Il ne fallait pas qu'il pleure, nan ! Il aurait l'air encore plus ridicule ... Le jeune hybride se mordit un peu la peau pour se retenir. Il ne fallait pas être aussi émotif ... certes sa joie avait été cassée ... mais quand même de la à pleurer ... ça allait passer, juste éviter de faire trop de bruit pour ne pas être repéré ... Une larme glissa sur sa joue.

Il avait vraiment gagné le gros lot en matière de réaction pitoyable ...

Spoiler:

Après que mes mots soient tombés sur le Kitsune, celui-ci laissa tomber son livre, qui claqua fort contre la table. Kyû en sursauta. Je soupirais, indifférente. A vrai dire, il pouvait crier, pleurer, que je m'en ficherais tout pareil.

Sa queue rentrait presque entre ses jambes, comme un renard soumis à son chef. Ça avait un côté comique, je dois l'avouer. Kyû gronda et montra les crocs au jeune homme-renard qui l'avait brutalement tiré de son sommeil sans le vouloir. Sa voix brisa le silence.

- J...Je ne voulais pas te déranger, pardon...

Il semblait visiblement gêné. Aussi, je reprit calmement ma lecture. Ça ne m'avancerait à rien de lui faire des reproches en plus, il semblait déjà assez sonné. Des gens semblaient se moquer de lui, a en juger par leurs rires. Ils ont toujours un moyen de blesser les autres, ces Humains! Les oreilles du Kitsune étaient collées à son crâne. Je retins un petit rire aussi. Les Humains sont certes stupides, mais la situation était vraiment comique.

Il s'installa à la table, mais le plus loin possible de moi. Tant mieux. Kyû reprit tranquillement sa sieste sur mes genoux. Il mit son livre devant lui, de façon à cacher son visage. Seuls les coins de ses yeux étaient visibles. Je remarquai qu'il luttait contre les larmes -je dis ça, car quelques instants après, une grosse goutte coula sur sa joue-.

Au fond, je m'en voulais. Mais je n'étais pas d'humeur à m'excuser. Et puis, je ne vais sûrement pas changer pour lui! Je suis née dans la solitude et je mourrai dans la solitude. Étrange état d'esprit, me direz vous? Mais c'était le premier Kitsune que je rencontrais -a part ma famille- et mon coeur ne semblait pas d'accord avec mon attitude hostile.

- Excuse-moi, murmurais-je.

Si j'avais eu un deuxième moi, je me serais sûrement giflée! Les mots étaient sortis tout seuls, sans que je n'en ai envie. J'allais donner de faux espoirs a un pauvre renard, à présent. Je commençais à croire que j'étais vraiment pitoyable, dans mon genre...

Spoiler:

Disparaître ... le renard voulait disparaître de la vue de tous ! Il se sentait idiot, pitoyable ... les personnes dans la bibliothèque semblaient se moquer de sa réaction. En quoi était-ce si dr'ole d'être content de rencontrer quelqu'un qui vous ressemble et de se faire repousser aussi violemment ?! En rien ! Pourtant les gens dans la bibliothèque avaient l'air de trouver ça très amusant ... Il resta la tête enfoncée dans son livre jusqu'à ce qu'il entende une faible voix dire quelque chose. Il lui fallut plusieurs instants avant de comprendre qu'il s'agissait de la Kitsune qui l'avait envoyé voir ailleurs qui s'excusait. Vuntes reniffla encore un coup et ressortit à peine son visage de derrière son livre, regardant la jeune hybride de ses yeux encore humidifiés.

- C...ce n'est rien ...

Il tenta de lui faire un sourire mais ce fut une grimace peu convaincante qui en ressortit. Il soupira et referma son livre, le laissant sur place, se leva et contourna la table pour se diriger vers la sortie. Il n'avait plus envie de lire un livre, ni d'en prendre à la maison. Il voulait juste rentrer, sa journée et son moral venaient de chuter.

- Encore pardon de t'avoir dérangée ...

Il alla vers le guichet à l'entrée de l'établissement. Le bibliothécaire le vit s'en aller sans livre et s'en étonna un peu, ayant l'habitude de le voir toujours emporter quelques ouvrages avec lui.

- Pas de livre aujour'hui ? Tu es malade ?


- Nan ...

Il poussa les portes et sortit sous la pluie après avoir récupéré son manteau, direction la maison. Demain il aura sûrement déjà oublié cette situation et se lèvera joyeusement, mais pour lui, aujourd'hui était devenu une journée affreuse et il ne souhaitait pas la revivre.

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